L’alimentation est une porte d’entrée qui se situe dans le concret des aliments et des techniques culinaires, mais qui s’ouvre aussi sur un monde de symboles, de croyances, de conceptions de la vie. Elle entretient des liens étroits avec la médecine, la religion, les grandes étapes de la vie et de la mort.
Acte banal et quotidien, il n’en est pas moins d’une grande complexité. Ses modalités obéissent à des déterminismes multiples, aussi bien d’ordre biologique que d’ordres culturel, économique, technique, etc. Une approche multifactorielle est donc indispensable si l’on veut comprendre comment se construit l’identité alimentaire. Des jeux complexes d’influences entrent en ligne de compte : effets historiques, générationnels, géographiques, migratoires et sociétaux.
Jusqu’à une période récente, la cuisine lao a traversé les siècles relativement inchangée. L’intégration progressive du Laos dans les échanges internationaux est en train de bouleverser les modes d’approvisionnement alimentaire des familles. Les villes et les villages situés près des axes routiers (ce qui est le cas de la plupart des villages lao) entrent de plain-pied dans une société de consommation, avec des conséquences notables en termes de mode de vie et de santé.
En France, la diaspora lao s’attache à conserver « la tradition », et l’alimentation en est l’un des supports privilégiés. Parmi les croyances et les pratiques alimentaires traditionnelles, certaines persistent alors que d’autres sont rapidement abandonnées et que d’autres encore se modifient. Les enfants nés en France ont des besoins et des désirs qui induisent de nouvelles habitudes alimentaires au sein des familles, sans occulter cependant des marqueurs identitaires forts.
Ingénieur en alimentation et nutrition, Florence Strigler est secrétaire générale de l’Institut français pour la nutrition. Depuis une dizaine d’années, elle mène des recherches en anthropologie de l’alimentation, sur les pratiques alimentaires lao, au Laos et en France. Ses multiples séjours sur le terrain, dont une mission d’un an pour l’Unesco, ainsi que sa connaissance des milieux lao en France, lui ont permis de mener à bien cet ouvrage.